« Prendre position en tant qu’[artiste sonore], c’est non seulement savoir capter, travailler, transmettre […] le son […] du monde réel. C’est aussi laisser entendre un souffle, un cœur qui bat »
Kaye Mortley, La tentation du son, p. 32.
L’écoute implique une mobilisation du corps et une inflexion de l’esprit. Le preneur de son doit se positionner dans un espace qu’il contribue à façonner ; il participe ainsi à un processus de transformation et d’échange impliquant les sons, les sujets et les appareils.
Dans ce processus, le son est un révélateur d’espaces : il nous fait ressentir la configuration des lieux, les interactions sociales qui s’y déroulent, il nous rend attentif·ve·s aux significations instables qui circulent des ambiances aux bruits en passant par la musique et la parole. Ces éléments contextuels, culturels, sociaux, politiques et esthétiques expriment la complexité du monde sonore qui nous entoure ; ils appellent à développer des postures d’écoute, à prendre position pour en cerner les enjeux, pour en sentir les effets.
Le colloque « Le partage des écoutes » rassemble des chercheur·euse·s, des chercheur·euse·s-créateur·rice·s et des artistes pour penser, communiquer et expérimenter une diversité de pratiques d’écoutes. Il s’agit de créer une communauté qui rendra audible, qui problématisera la co-vibration du lieu et du sujet à travers les arts sonores. Nous croyons que les pratiques du son peuvent être des moyens de connaissance de nos espaces sonores actuels et des outils d’exploration de leurs différentes dimensions.
Les présentations prendront la forme d’un exposé performatif, d’une marche sonore, d’une communication savante, d’un retour réflexif sur une démarche artistique et exploreront avec les moyens de l’art sonore (prise de son, composition, mixage et diffusion) la pluralité des territoires sonores et des pratiques d’écoute.
Comment l’identité sonore d’un lieu peut-elle modifier ou modeler notre écoute ?
Comment une manifestation sonore peut-elle refléter les tensions politiques, les relations sociales et les configurations culturelles ?
Comment les pratiques d’écoute peuvent-elles initier un échange entre les différents auditeur·rice·s ? Est-ce qu’une communauté peut se créer autour de ce partage ?
Comment une posture d’écoute peut se transmettre et être réutilisée dans différents contextes ?
Comment s’articulent les rapports entre la subjectivité de l’auditeur·rice et l’objectivité des outils d’enregistrement du son ?
Le cinéma et les arts du son mobilisent différents types d’écoute – attentive, flottante, musicale, analytique, critique. Notre événement voudrait esquisser et interroger les frontières malléables d’une cartographie des écoutes du réel.
Frédéric Dallaire et Chantal Dumas